Malgré les températures hivernales arrivant, la destination ne sera pas une paradisiaque plage d’océan pacifique en pleine saison estivale, mais une ville à cinq cent kilomètres à l’est de Paris, Stuttgart, le berceau de Mercedes-Benz et de Porsche et accessoirement, celui de l’automobile même. Contrairement à la superproduction américaine de 1985, ce n’est pas une Delorean qui va me permettre d’effectuer ce voyage sensoriel, mais la société allemande Stuttgart Marketing Gmbh qui, pendant deux jours, m’accompagnera à travers les visites des musées Mercedes et Porsche, du complexe Meilenwerk et de la très populaire fête de la bière, la Cannstatter Volkfest, fidèle à l’ambiance du Bade-Wurtemberg.

Pour commencer, c’est le remarquable musée Mercedes-Benz qui m’attend près de l’usine mère. Haut de quarante sept mètres pour une surface totale de 16 500m², l’édifice se place comme une vitrine de l’histoire de la marque et de son savoir-faire. Après avoir acheté le ticket d’entrée (8.00€ pour les adultes à la journée) c’est un gigantesque atrium qui m’accueille tous murs nus. Il est surplombé d’une pseudo étoile rappelant l’emblème de la marque et cerclé d’une bande lumineuse, à l’intersection des trois branches, qui me fait penser à un OVNI vu du dessous. D’ailleurs, les trois ascenseurs (ou capsules temporelles) qui vont me mener en 1886, affichent eux un design pour le moins futuriste et spatial. Suite à une ascension de trente quatre mètres et un bond de cent vingt quatre ans en arrière, les portes s’ouvrent sur un parcours de visite en deux parties : une qui reprend chronologiquement les grandes avancées technologiques de Mercedes à travers sept salles d’expositions, et une autre qui se consacre à la diversité des modèles phares et mythiques de la marque grâce à des galeries spécifiques. Ce périple va conduire le visiteur à remonter le temps en passant d’une grande époque à l’autre par une rampe où d’anciennes photos murales datées relatent de grands faits historiques, en liens plus ou moins proches avec l’histoire de la marque, comme la naissance du tourisme de masse, du premier tour de France ou de la création des Nations Unies. Ainsi on pourra voyager dans le 21ème siècle pour vivre la naissance de l’automobile suite à l’union des idées de Gottlieb Daimler et de Karl Benz, celle qui va accoupler un moteur à explosion à un véhicule à quatre ou trois roues, comme en témoigne la Benz Patent Motorwagen, la première voiture de l’histoire. Si la fibre automobile coule dans vos veines aussi continuellement que moi, elle ne devrait pas vous laisser indifférent. Le visiteur va ensuite enchainer ces salles en découvrant la naissance de la marque qu’illustre cette impressionnante Mercedes Simplex 40PS de 1902 jusqu'à l’exposition « Fascination Technique » avec un libre accès sur un espace où l’on découvre le travail des ingénieurs de la marque en matière de recherche, de développement et de design avec une vision sur les années à venir et quelques modèles de divers record du monde. Entre temps, l’esprit du passionné aura été bouleversé par la rencontre des premiers véhicules diesels ou à compresseur comme la 260D de 1937, l’imposante 500K Roadster de 1936, et par le choc visuel de la 300 SL ou un des deux exemplaires de la 300 SLR coupé dans l’espace des « miracles de l’Après-Guerre avec la diversité des formes de carrosserie ». L’étonnement ne sera pas en reste avec la zone « Sécurité et Environnement » et celui de la « Mondialisation et Personnalisation des besoins » où cette Classe S 600 V12 aux normes américaines (et en plaques californiennes) va attirer mon attention parmi ses sœurs de 1982 à aujourd’hui. Les collections thématiques viennent renforcer ce spectacle visuel avec « la galerie des voyageurs » qui expose une brochette de bus de tous horizon et des plus populaires berlines allemandes diesel, ou « la galerie des secouristes » et ses différents véhicules d’interventions rapides. Parmi les plus originales, « la galerie des utilitaires » et « la galerie des célébrités » offrent une sélection de camions de 1912 au model 1624 de transport automobile en passant par cet étonnant Rennwagen-Schnelltransporter de 1955 au look de 300 SL (qui servait au transport de l’impressionnante 300 SLR conduite par Sir Stirling Moss et Juan Manuel Fangio en course en 1955), ou un échantillon de perles rares comme la 500 SL de la défunte Princesse Diana et du Classe G « Papamobil » de 1980 au milieu de stars du cinéma à l’image de ce ML qui m’a baladé dans le film Jurassic Park étant plus jeune, situé dans l'angle mort de cette monstrueuse 190E AMG ayant appartenue à Ringo Star et à laquelle j'aimerai sans problèmes joindre mon nom au sien sur une carte grise. Enfin, tout bon spectacle ne sera pas tel sans un bouquet final à la hauteur. Pour être franc, malgré une légère transparence aux discours du guide dans l’oreillette pour privilégier mes photographies, la prononciation de ce dernier du terme « Supersport Wagen » n’a fait faire qu’un tour à mon sang, agité mon rythme cardiaque et poussé mes jambes à avancer plus vite que mon corps. Une telle excitation pour allez se décoller la rétine plus rapidement et longtemps devant des bijoux de technologie et de sportivité que représente ce CLK-GTR Road Version. Un rêve de gosse que d’en voir un exemplaire un jour, peu importe où et comment. C’est fait ! Pour parfaire ce moment, les concepts Vision SLR et C111 encadrent cet Objet Roulant Non Identifié. Dommage pour l’absence de la C112, présente à ce moment au Mondial de l’Automobile de Paris. Et comme une surprise n’arrive jamais seule, la dernière salle d’exposition m’appelle au son ultra-réaliste d’une MP4-13 championne du monde de Formule 1 avec Hakkinen. C’est alors que je découvre un virage relevé avec toutes les étoiles filantes qui ont fait la réputation de Mercedes en compétition. L’idéal serait de s’assoir sur cette sorte de balcon surélevé et d’écouter les mécaniques allemandes se déchainer lorsqu’un modèle en particulier est mit sous les feux des projecteurs. Fait intéressant, dans un musée que l’on visite dans l’ordre chronologique, ici, c’est le chemin inverse qui est utilisé pour finir avec une Benz 14cv RennWagen de 1900, après avoir admiré les Classe C DTM, un camion de course ou les mythiques flèches d’argents, avec une anecdote sur leur naissance en 1934. D'un point de vue strictement muséologique, cet édifice est bien ficelé et convient à toute la famille qui ne pourra pas s’ennuyer grâce à une multitude d’écrans pédagogiques à propos de Mercedes par exemple. De plus, les cent soixante pièces de collections présentées sont dans un état irréprochable, sous un éclairage doux et savamment étudié et surtout, elles ne sont pas barricadées aux quatre coins. La marque annihile ainsi la frustration photographique et augmente l’impact sensoriel que ces automobiles peuvent faire ressentir au visiteur par une proximité jamais vue.

A l’opposée au nord-ouest du musée de l’étoile automobile, se tient celui de la marque aux vingt huit mille victoires en compétition, Porsche. Ce monument de 5600 m² a été imaginé par une équipe d’architectes autrichiens de renommé et inauguré l’an dernier, au sein du site Porsche à Zuffenhaussen. Une ambiance high-tech se dégage de ce musée blanc et vitré en deux parties, composé d’un bloc supporté par trois piliers obliques et un « socle » qui fait office d’entrée du musée et d’une autre (palpitante) surprise. Après avoir acheté le ticket à 8.00€, là aussi, j’exécute l’ascension la plus longue d’Allemagne puisque cet escalator, qui mène à la salle d’exposition, détient le record national de longueur avec ses soixante mètres ! Pour les plus sportifs, il existe la version escalier. Une fois au sommet, j’ai la regrettable impression de ne pas avoir fait ce voyage dans le temps, auquel je prends gout, instauré par le musée Mercedes. La stratégie de présentation par Porsche est différente : trois thèmes d’expositions disposés de manière périphérique. Un noyau qui met en avant les innovations technologiques de Porsche, renforcée par une ronde sur la gloire avec des monstres de compétition et une seconde, extérieure, qui présente chronologiquement les modèles phares de série qui ont fait la réputation de la marque. Cette stratégie reprend l’idée même du développement de Porsche avec une base de recherche, des essais concluants en compétition et un semblant d’adaptation pour une utilisation civile. Si une fausse note devait être soulevée, c’est que tout cela fait un peu désordonné et je ne sais plus trop où donner de la tête parmi ces quatre-vingts perles de sportivité présentées. Ce qui est sûr en revanche, c’est que la qualité est au rendez-vous dans cet écrin pur et blanc où seules les voitures servent de décoration pour éviter toute pollution visuelle. La visite commence donc par les débuts de Porsche et du Docteur Ferdinand Porsche avec la première 356. S’enchaine alors la rapide évolution de ce concept mythique dans l’histoire de l’automobile. Et ce n’est pas sans rappeler l’illustre Volkswagen Coccinelle, issue du même « père ». Le ton est donné parallèlement avec ces six coureuses de la célèbre Targa Florio, dont cette tristement célèbre 550 Spyder avec James Dean. Les yeux vous guident ensuite vers l’épopée 911 en étant chahuté entre les concepts car originels, les versions de série, et quelques diverses versions de course, dont la 962 du Mans à effet de sol qui a été pour l’occasion « scotchée » au plafond. L’anecdote diffusée dans l’oreillette raconte qu’avec son fond plat et diffuseur arrière, la voiture peut, théoriquement, rouler à l’envers à partir de 321,4 km/h. Intéressant ! Après avoir nettoyé ma rétine avec ces cinq générations de 917 et avant d’avoir scruté en détail quelques mécaniques nues, c’est une 944 Carrera GTS qui va retenir mon attention. Elle correspond idéalement à mes goûts prononcés pour les voitures anguleuses et musclées, typique des années 80. Le reste aura la simple mission de faire une piqure de rappel sur les stars routières jusqu’à la 993 Polizei qui affiche la fierté pour les constructeurs allemands d’équiper la maréchaussée, comme l’a également prouvé Mercedes dans son enceinte. En tournant sur moi-même pour immortaliser une vue d’ensemble, mon œil croise un bout d’aileron gris. Je suspends mon action et ressent une palpitation qui ne m’est pas inconnue. Je fais machine arrière et je découvre les rondeurs arrières d’une 911 GT1 Road Version, précédée d’une Carrera GT de la même teinte. Après une dizaine de minute à rêver devant ces raretés, c’est au tour des cinq générations de 911 Turbo, de la 930 à la 997, de m’accueillir depuis leur plateau tournant. Enfin je me dirige vers la sortie pour me surprendre avec le département restauration digne d’une caverne d’Ali Baba. A travers une baie vitrée, la vue sur des automobiles qui viennent de retrouver leur jeunesse ne devrait pas laisser de marbre les visiteurs. Mais en ce 8 octobre 2010, c’est la présence au milieu de ce beau monde du concept 918 Spyder qui va saisir mon regard. Tout simplement fabuleux ! Et pour finir à Zuffenhaussen en me permettant d’administrer une note personnelle, je ne saurait conseiller de traverser la rue pour faire une petite visite de la concession Porsche Stuttgart où il est possible de faire la connaissance (si ce n’est déjà fait) d’une 997 Sport Classic, une Carrera GT jaune ou d’une RUF YellowBird, entre autres.

Notre dernière escale de ce fabuleux séjour se situe à une vingtaine de kilomètres au sud de la capitale du Bade-Wurtemberg, au Meilenwerk. Basé sur un ancien aérodrome semi-militaire de la banlieue, ce concept se place comme Le forum de l’automobile. Ainsi, l’ex hangar se divise en quatre parties : une salle de conférence, un hôtel, un ensemble de centres de quelques prestigieuses marques européennes et enfin un immense dépôt-vente pour particuliers. Imaginez-vous, un musée où toutes (ou presque) les voitures peuvent s’acheter. La visite commence avec le hall partagé entre Arthur Bechtel et Stoll Classic, revendeurs spécialisés en anciennes, où une cinquantaine d’Oldtimers et plus modernes sont disponible à la vente. Un tracteur Porsche ou une Glas Goggo Coupé feront partie des curiosités tandis qu’une Ford GT accompagnée d’une Mercedes Classe E Lumma Design vont rétablir la balance sur l’échelle du temps. De plus, il n’est (évidemment) pas rare de croiser des ancêtres de la Seconde Guerre sur une dalle de béton tachetée d’huiles, signe du charme des fuites incurables des ancêtres. Après avoir prit le volant d’une ancienne (une Alfa Romeo 1300 GT en ce qui me concerne) grâce à la gentillesse de Zeitreise, et découvert l’évolution de la roue, mes pas me guident vers ce deuxième hangar, plus gros et assez particulier. Ici, une multitude de box en verre font office de lieu de stockage pour particuliers en échange de cent cinquante euros par mois. Ainsi ce sont des Dodge Viper SRT10, Mercedes 190 Evo2 ou SLR 722 GT qui m’accueillent. Tout autour c’est le Groupe Gohm qui y siège avec les centres Ferrari-Maserati, Lamborghini, Bentley et Jaguar, qui ajoute en termes de quantité et de qualité avec leurs voitures en vente ou en cours de révision. Et si une petite faim vous prend, le restaurant Targa Florio se situe à l’étage avec des plats qui déroutent par rapport aux standards culinaires allemands. De plus, il est possible de faire le tour de quelques boutiques art-déco’ aux tendances rétro, où l’on peut s’offrir des peintures du Grand Prix de Monaco d’époque ou d’ancienne pompe à essence des années 60 américaines. De quoi meubler correctement un garage. Et n’en déplaise à ces dames, une boutique de vêtements aviator et racing trône au beau milieu du complexe. Enfin, l’hôtel V8 ouvre ses portes aux visiteurs pour plonger dans une ambiance d’un goût que je qualifierais d’original. Une suite de chambres thématiques qui permettent de somnoler en rêvant de celle que vous venez d’acheter plus bas quelques temps avant. Ma préférence va pour la pièce Car-Wash où les montants sont des rouleaux et le cadre du lit, une Mercedes W111. Le Meilenwerk est un superbe espace dédié à l’automobile qui accueille toutes sortes d’événements mécaniques à l’image du témoignage de ces traces de pneus au sol suite à ca ! Le concept de ce forum se veut complet avec ses quatre parties. C’est le lieu idéal pour les entreprises ou riches particuliers qui souhaitent y tenir un séminaire autour de l’automobile. Écouter un orateur, accompagné de ces rutilantes pièces de collection, doit en sensibiliser plus d’un. Le lieu est également très prisé des collectionneurs et surtout des passionnés puisqu’il se place comme un musée où les voitures sont accessibles sans barrières, et où l’entrée est entièrement gratuite.

Pour finir, si la grisaille quotidienne vous pousse à aller effectuer ce périple en Allemagne et qu’entre deux visites une petite soif vous prend, allez déguster une onctueuse bière stuttgartoise, comme à la fête de cette boison (qui a lieu de manière saisonnière tout au long de l’année). Malheureusement je ne pourrais pas m’étaler sur la soirée du Cannstat puisque l’alcool et l’automobile sont deux thèmes qui moralement ne se marient pas ensemble, et surtout, qu'il me faudrait autant de litres d’encre que de litres de bière consommés lors de cette fête pour retranscrire la chaleureuse ambiance allemande de cette fête. Et encore… ! La visite de ces trois lieux d’exception font redécouvrir l’automobile et permettent de mesurer le poids du passé sur le présent et le futur à venir. Des lieux où les découvertes bouleversent les sens de par leur rareté et qualité, qui répondent au mode de vie allemand basé sur la confiance avec l’absence de « frontières » entres ces bijoux et les visiteurs, quelque soit le lieu visité, et surtout une mise en valeur d’un objet conçu pour la mobilité et qui est présenté de façon immobile. Mais que les plus frustrés se rassurent (comment peut-on l’être après ces édifices), malgré une non-exhaustivité volontaire de ma part, ces visites ne sont que la partie visible de l’iceberg par rapport aux événements de l’année prochaine. Du 5 au 8 mai 2011, la ville de Stuttgart (accessible en trois heures et demi en TGV depuis Paris), va célébrer les cent vingt cinq ans de l’automobile lors de l’automobilsommer, avec ces trois musées comme acteurs principaux et pour l’occasion sur leur trente et un. Allez, pour la confidence je vous donne un événement phare parmi la multitude d’autres : une démonstration de cent vingt cinq ans de voiture de course sur un circuit citadin en plein centre de la capital régionale. Il va falloir se préparer au choc !